Lutter contre les déchets marins : du nettoyage du littoral à la prise de décision
Les îles du Pacifique sont particulièrement vulnérables aux impacts des déchets marins, en raison de la valeur et de la sensibilité particulières de leurs environnements côtiers.
Pour aborder cette question et présenter les outils existants pour lutter contre ce problème de déchets marins (sensibilisation, nettoyages, audits, etc.), le Programme régional océanien de l'environnement (PROE), par l’intermédiaire du projet SWAP, a organisé, en avril 2022, un atelier en ligne de deux heures.
Les déchets plastiques jetés intentionnellement du rivage ou des bateaux, ou transportés involontairement par les vents ou les cours d’eau constituent une source majeure de pollution marine. Les espèces envahissantes, les eaux usées contaminées, les déchets industriels, agricoles et ménagers, ainsi que les ordures des navires polluent également les océans.
De manière générale, les déchets marins ont des effets néfastes sur l’environnement, les populations et l’économie côtière. Ce problème est nettement plus grave pour les États qui dépendent d’écosystèmes et de services océaniques sains, comme la zone Pacifique, occupée à 98 % par l’eau.
L’objectif principal du PROE, au travers des projets et programmes qu’il met en œuvre, est de promouvoir la coopération entre les pays et territoires insulaires du Pacifique pour protéger et améliorer leur environnement et assurer un développement durable. L’une de ses priorités est la gestion des déchets, notamment la gestion des déchets marins. De ce fait, le 6 avril 2022, le projet S’engager pour une gestion durable des déchets dans le Pacifique (SWAP) a tenu une réunion virtuelle pour aborder ce problème ainsi que les ressources pouvant être utilisées pour y remédier (sensibilisation, nettoyages, audits, etc.).
Six experts sont intervenus à l’occasion de cet atelier pour apporter leurs connaissances et compétences dans ce domaine, dont :
M. Anthony Talouli
Division Gestion des déchets et de la lutte contre la pollution (WMPC), Directeur
Anthony Talouli, de nationalité fidjienne, possède une formation d'ingénieur (ingénieur aérospatial), avec 25 ans d'expérience professionnelle dans l'industrie aéronautique et pétrolière dans le Pacifique.
Anthony a rejoint le PROE en 2007 en tant que conseiller en pollution. En tant que Directeur, il a pour mission la gestion et la planification de la direction stratégique du programme de gestion des déchets et de contrôle de la pollution (WMPC), le suivi des performances du programme, la liaison avec les membres et les bailleurs de fond, ainsi que la coordination, la mise en œuvre et la gestion des projets.
Mme Julie Pillet
WMPC, coordinatrice technique du projet SWAP
Mme Julie Pillet est une ingénieure française disposant de plus de 13 ans d’expérience dans le domaine de la gestion des déchets. Elle a travaillé 12 ans pour un bureau d’études français en tant que Chef de Projets où elle menait des études pour la conception, la construction ou la réhabilitation de centres de stockage et de déchèteries.
Depuis janvier 2021, Julie occupe le poste de coordinatrice du projet SWAP financé par l’Agence française de Développement (AFD), qui traite de la gestion des déchets marins, des huiles usagées, des déchets issus de catastrophes naturelles, ainsi que de la question plus générale concernant les mécanismes de financement durable.
M. Camden Howitt
Cofondateur et ancien Directeur des Programmes de Sustainable Coastlines
Camden Howitt est le cofondateur et ancien directeur des programmes de l'ornagisation à but non lucratif néo-zélandaise Sustainable Coastlines, et un membre de l'Aotearoa Plastic Pollution Alliance.
Défenseur passionné de nos océans et de nos rivières, Camden combine plus d'une décennie d'expérience en stratégie, engagement communautaire et conception de programmes avec une volonté de collaboration.
Camden a travaillé sur des solutions environnementales communautaires à travers Aotearoa et les îles du Pacifique. Il a dirigé le programme Litter Intelligence développé par Sustainable Coastlines, qui combine science citoyenne avec une technologie innovante pour surveiller, partager les données et prévenir les déchets marins.
Mme Sarah Kollar
Responsable de la communication, International Coastal Cleanup (ICC)
Programme Trash Free Seas® (Mers sans déchets)
Ocean Conservancy
Sarah Kollar est responsable de la promotion du nettoyage du littoral, à l’échèle internationale, dans le cadre du programme Trash Free Seas® (Mers sans déchets) d'Ocean Conservancy. Elle collabore avec un large réseau d'organisateurs de nettoyages de plages et de voies navigables dans le monde entier, ainsi qu'avec des éducateurs et des personnes passionnés qui agissent au sein de leurs propres communautés pour lutter contre ce problème.
Elle gère la création et la distribution de matériel d'éducation et de sensibilisation pour des solutions basées sur l'action et maintient les outils de collecte de données d'Ocean Conservancy, notamment l'application Clean Swell et la base de données en ligne sur les déchets océaniques.
Elle est titulaire d'une licence en biologie et en études environnementales de l'Eckerd College et travaille pour Ocean Conservancy depuis huit ans. Elle a eu le plaisir de représenter le Trash Free Seas Program® lors de plusieurs réunions et conférences locales, nationales et régionales sur les déchets marins.
Mme Christina Shaw
Directrice de la Vanuatu Environmental Science Society
Christina Shaw, vétérinaire d'origine anglaise, vit au Vanuatu depuis 13 ans. En 2014, elle a créé une organisation de conservation de l’environnement The Vanuatu Environmental Science Society (VESS) après avoir obtenu un master en médecine de conservation vétérinaire à l'université Murdoch, en Australie. L'objectif principal de VESS est de protéger les espèces menacées et endémiques du Vanuatu, comme les roussettes et les dugongs du Vanuatu, ainsi que de protéger les écosystèmes importants. Christina et son mari sont associés dans l'entreprise de plongée sous-marine Big Blue Vanuatu. Grâce à la plongée, Christina a pu constater de visu le problème de la pollution plastique qui affecte les récifs coralliens et la faune marine. VESS et Big Blue sensibilisent au problème des plastiques dans nos océans et mènent des opérations de nettoyage dans l'eau et sur terre depuis de nombreuses années. Les données issues de nos nettoyages ont été utilisées pour soutenir l'interdiction des plastiques à usage unique qui est récemment entrée en vigueur au Vanuatu.
Mme Julie Pillet, coordinatrice du SWAP, a d’abord dressé un tableau de la situation des déchets marins dans le monde, en s’appuyant sur des données tirées des Nations unies. Les produits en plastique constituent la majeure partie des déchets marins, car les principaux éléments des déchets marins proviennent du milieu de vie humain et arrivent ensuite dans les océans. En outre, la récente pandémie de COVID-19 a suscité des inquiétudes quant à la poursuite du rejet de déchets plastiques dans l’environnement. Mme Pillet a également souligné la nécessité d’agir au plus vite, car ces déchets marins ont un impact sur l’écosystème marin, le climat, l’économie et la santé humaine.
M. Camden, co-fondateur et ancien directeur de programmes à Sustainable Coastlines, a mis en avant la nécessité d’une collecte de données par les citoyens sur la base de son expérience de programme.
« Nous donnons aux communautés la capacité de collecter des données, de sorte qu’une science citoyenne vraiment rigoureuse permette de recueillir des données à long terme pour comprendre le problème et obtenir des informations à la fois grâce à leurs expériences dans la nature et grâce à la technologie que nous avons développée pour accéder aux données afin d’établir des comparaisons et d’examiner les tendances à long terme et, enfin, de prendre des mesures ».
Mme Sarah Kollar, responsable du Trash Free Seas Program® pour de l'ONG Ocean Conservancy, a mis l’accent sur l’importance de la collecte de données sur les déchets marins et a partagé son expérience des campagnes de nettoyage au cours des dernières décennies pour démontrer comment ces données peuvent influencer les politiques locales et nationales en matière de déchets marins.
Mme Christina Shaw, directrice générale de la Vanuatu Environmental Science Society (VESS), a ajouté « qu’ils ne disposaient pas de grandes quantités de données provenant de petits nettoyages, mais que cela était suffisant pour pouvoir influencer les politiques publiques ».
En d’autres termes, la collecte de données peut être un moyen très efficace d’obtenir le soutien juridique et financier nécessaire pour s’attaquer durablement au problème des déchets marins. En outre, le problème des déchets marins étant un problème international, il importe de rendre les données plus claires et de mieux faire connaître le problème.
L’atelier a également abordé un autre enseignement important, celui de la participation communautaire. L’expérience de Wallis-et-Futuna montre que dans les petites nations insulaires, ce n’est pas l’ampleur du nettoyage qui compte, mais plutôt les personnes qui y participent.
La Journée mondiale de nettoyage du littoral implique la plus grande campagne de nettoyage des plages à l’échelle mondiale, et se tient le troisième samedi de septembre de chaque année depuis 1986. En 35 ans d’existence, cette campagne de nettoyage a pris une très grande ampleur. Chaque année, des volontaires de plus de 150 pays se réunissent pour participer à des opérations de nettoyage sur des sites proches de chez eux .
Ces programmes de nettoyage bénéficient aussi largement du soutien financier et logistique d’initiatives régionales ou mondiales telles que le projet SWAP, ainsi que des autorités nationales ou municipales. Ainsi, le projet SWAP et d'autres projets mis en oeuvre par le Programme régional océanien de l'environnement (PROE) tels que le Pacific Ocean Litter Project et le projet GEF ISLANDS ont soutenu une soixantaine de communautés du Pacifique depuis 2021 afin de mettre en place des activités de nettoyage de plages et de sensibilisation aux déchets marins, dans la cadre de la Journée mondiale de nettoyage du littoral.
Note : Cet article a été écrit avec le soutien de l’université de Newcastle (Australie) dans le cadre d’un partenariat entre le SWAP et l’université, le programme « Work Integrated Learning » (apprentissage intégré au travail). À ce titre, la coordinatrice du SWAP remercie tous les étudiants qui ont participé à cette collaboration, notamment M. Kaito Nagata et M. Chris Johnson pour cet article.